BAURY, Ghislain: Les religieuses de Castille. Patronage aristocratique et ordre cistercien XIIe-XIIIe siècles
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, 331 págs.
ISBN : 978-2-7535-2051-6
Jusqu’à présent, les abbayes de moniales cisterciennes qui se multiplièrent en Castille à partir des années 1160 ont souvent été assimilées à la plus puissante d’entre elles, Las Huelgas de Burgos, leur modèle et leur porte-parole suivant les analyses inspirées par le droit canonique ou l’histoire du genre. Les chartriers de communautés ordinaires comme Cañas, Vileña ou Herce mettent toutefois en évidence des modes de fonctionnement différents de ceux du grand monastère royal et même un antagonisme essentiel. L’explication tient aux relations étroites que les institutions entretenaient avec les fondateurs et leurs descendants, membres de la très haute noblesse des ricoshombres. Usant de leur droit de patronage, les principaux lignages s’assuraient une influence exclusive dans les cloîtres et en faisaient leurs centres de pouvoir. Les temporels permettaient notamment de préserver l’intégrité de pans importants de leur patrimoine dans les zones rurales. L’obédience cistercienne, qui ne s’accompagnait alors d’aucune contrainte institutionnelle, renforçait leur autonomie. Pour contrecarrer ce phénomène et contenir les prétentions de l’aristocratie, Alphonse viii fonda Las Huelgas en 1187, la dota de moyens hors normes et la plaça à la tête d’une hiérarchie créée pour l’occasion, le chapitre des abbesses cisterciennes de Castille et de Léon. Dans les années 1220-1230, l’ordre cistercien lutta à son tour contre le patronage des laïcs afin d’affirmer l’autorité qu’il revendiquait depuis peu sur les religieuses. Seules les abbayes de première génération purent prolonger la relation gagnant-gagnant avec leurs patrons. Elles prospérèrent tout au long du xiiie siècle, avant de pâtir des grands bouleversements que connut la noblesse castillane au début du siècle suivant.